Pour assurer le
retour dans le civil des anciens militaires, le ministère a sa machine de guerre : Défense Mobilité. L’agence nationale de reconversion oriente, forme et place en entreprise les candidats à
l’emploi. Les liens qu’elle tisse avec les grands employeurs l’aident à obtenir des résultats hors norme.
Uniforme remisé au placard, retour à la tenue de ville : chaque année, plus de 20 000 militaires quittent les drapeaux. Des départs naturels liés aux limites d’âge atteintes et surtout aux fins
de contrat. Car l’armée compte 63 % de contractuels dans ses rangs et connaît un turnover version gros calibre. La raison ? “L’impératif de jeunesse” des militaires : étant donné les contraintes
physiques du métier des armes, la moyenne d’âge ne dépasse pas 33 ans dans l’institution. C’est une caractéristique de la Défense, “fonction publique de contrat” au sein de l’administration
française : « On n’entre pas dans l’armée pour y effectuer une carrière à vie. Les contrats des militaires durent en moyenne cinq ans et demi », relevait Jacques Roudière, ex-DRH du ministère
(1), lors de la présentation du dernier bilan social de la Défense (2) le 28 juin 2012.
Prestations d’information, d’orientation, de formation et de placement
Après leur “CDD longue durée”, la plupart des militaires entament donc une deuxième vie professionnelle. Leur statut général garantit ainsi « les moyens d’un retour à une activité professionnelle
dans la vie civile » à ceux qui partent de l’armée. Chaque personne ayant au moins quatre ans de service peut bénéficier de prestations d’information, d’orientation, de formation et de placement.
Un dispositif complet de transition professionnelle et d’accompagnement qu’orchestre Défense Mobilité. Ce service, créé en 2009 et rattaché au DRH du ministère de la Défense, regroupe les moyens
alloués à la reconversion du personnel des trois armées. En 2011, l’agence a accompagné 17 000 nouveaux candidats à un emploi : militaires en fin de contrat, mais aussi conjoints, gendarmes et
personnel civil. Très honorable, le taux de reclassement des militaires atteint 75 %, essentiellement dans le secteur privé et les fonctions publiques. Il faut dire qu’en dépit de niveaux
d’études peu élevés pour la majorité d’entre eux – les militaires du rang, enrôlés au niveau bac et sans qualification, forment le gros des bataillons de l’armée avec 68 % des effectifs –,
ex-officiers galonnés et sans-grade ont la cote auprès des recruteurs. Pour entretenir la flamme, Défense Mobilité maintient des contacts privilégiés avec plus de 5 000 entreprises. « Dans le
cadre de leur action de placement, nos conseillers présélectionnent des profils ciblés dans leur vivier, puis les présentent aux recruteurs potentiels », explique Cécile Naessens, chargée des
partenariats à Défense Mobilité. Les interlocuteurs des entreprises, 680 professionnels de la mobilité, se répartissent dans dix pôles régionaux. Tant à l’échelon local qu’au niveau national,
l’agence démarche de grandes entreprises des secteurs privé et public, et conclut des partenariats avec elles afin d’élargir encore l’accès à l’emploi des militaires.
Accords de coopération
Une soixantaine de conventions ont été conclues avec des grandes entreprises publiques et privées (EADS, Bouygues, Total, Air France…), des fédérations professionnelles et des associations. Ces
accords de coopération d’une durée de deux ans en moyenne consistent surtout en des échanges d’informations sur les offres de postes des partenaires. Lesquels ne s’engagent pas à recruter
systématiquement les candidats présentés. Pour l’agence de reconversion, l’enjeu de cette formule « souple et peu engageante » consiste, selon Cécile Naessens, à expliquer le savoir-faire des
personnels de la Défense aux employeurs : « Nous cherchons à faire reconnaître leurs compétences et leur formation, acquise ou complétée au moment de la transition professionnelle. » D’ailleurs,
Défense Mobilité, à travers son centre de formation professionnelle de Fontenay-le-Comte (Vendée), dispense une quarantaine de formations. Au total en 2011, un millier de reclassements ont été
effectués dans les entreprises partenaires et près de 800 dans les fédérations professionnelles. C’est là un facteur d’explication de la hausse du taux global de reclassement des militaires : + 5
% par rapport à 2010 dans le secteur privé (9 000 personnes) et + 3,4 % dans la fonction publique, des chiffres en augmentation depuis 2009. Et ce, malgré un afflux de candidats au reclassement
supplémentaire de plus 10,5 % par rapport à 2010. Car la Défense pousse de plus en plus ses troupes vers la sortie. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et du
Livre blanc sur la défense, la loi de programmation militaire prévoit la suppression de 54 000 postes (sur un total de 293 493) entre 2009 et 2015. Dans le même temps, l’agence elle aussi voit
ses effectifs fondre, de 920 conseillers au moment de sa création à 650 prévus en 2014. Jusqu’à présent, Défense Mobilité fait donc mieux avec moins de moyens. Avec 9 000 personnes sans emploi
cinq ans après avoir quitté l’armée, le taux de chômage des anciens militaires, inférieur à 0,5 %, est même en légère diminution depuis l’année dernière.
Développement vers le secteur tertiaire
Pour élargir encore la porte d’entrée dans le monde professionnel civil, l’agence doit désormais se tourner davantage vers les PME-PMI. Et fourbir ses armes pour élargir le panel des entreprises
partenaires : « Nous cherchons maintenant à développer nos partenariats dans le secteur tertiaire, évoque Cécile Naessens. Notamment dans les services à la personne, générateurs d’emplois. »
(1) Jacques Feytis a été nommé nouveau DRH du ministère de la Défense en remplacement de Jacques Roudière, le 11 juillet dernier.
(2) Bilan social de la Défense téléchargeable sur www.defense.gouv.fr
Encadré
L'ESSENTIEL
1 Défense Mobilité propose aux candidats à un emploi civil un processus complet de reconversion grâce à un réseau de 680 conseillers dans toute la France.
2 En 2011, 17 000 nouveaux candidats se sont inscrits à Défense Mobilité, soit une augmentation de 10,5 % par rapport à 2010. Le taux de reclassement s’élève à
75 %.
3 Une soixantaine de conventions ont été conclues avec des grandes entreprises publiques et privées. L’agence cherche à élargir le panel de ses partenariats.
Encadré
LES SECTEURS LES PLUS DEMANDEURS : TRANSPORTS, SURVEILLANCE, MAINTENANCE
Quels sont les profils d’ex-militaires les plus prisés et qu’en pensent les entreprises qui les recrutent ? Clairement, les compétences les plus recherchées sont celles de
conducteurs de voyageurs et de marchandises. Poids lourd parmi les recruteurs d’ex-militaires, le secteur du transport et de la logistique a absorbé plus d’un quart des 12 000
reclassements en 2011. « D’importants partenariats ont été conclus avec des entreprises telles que Norbert Dentressangle, Keolis ou Kuehne + Nagel », note Cécile Naessens.
Les métiers de la sécurité et de la surveillance attirent également les candidats, comme c’est le cas à la SNCF. Avec un peu plus d’une centaine de postes pourvus par d’anciens militaires
chaque année, la société est l’un des plus grands employeurs de cette population. « Nous recherchons aussi des compétences pour nos métiers techniques, maintenance des trains, des
installations et des infrastructures », précise Vincent Renet, responsable du recrutement de la SNCF.
Selon lui, la coopération avec le service de reconversion de l’armée a pour intérêt majeur d’améliorer la communication entre les deux partenaires : « Nous diffusons de
l’information à destination des structures locales de Défense Mobilité et signalons toutes les possibilités de recrutement dans nos métiers. » En retour, l’agence de reconversion
envoie des postulants dont le recruteur apprécie « la rigueur, les capacités d’adaptation et la motivation ».
Ces savoir-être sont également recherchés chez DCNS. L’année dernière, l’armateur a reçu en alternance 80 personnes issues des rangs de la Défense : « Le respect des règles et
une formation de qualité acquise dans les différentes armes sont pour nous des garanties de sérieux », déclare Bertrand Le Fèvre, responsable du programme de valorisation de
l’apprentissage “Les filières du talent”. Pour ce dernier, l’accord avec Défense Mobilité facilite le sourcing des candidats : « Cette collaboration renforce l’adéquation entre
les candidatures qui nous sont transmises et les profils recherchés dans nos métiers de l’industrie. »
Paru dans Entreprise & Carrières, N° 1108 du 04/09/2012
Rubrique : Pratiques
Auteur(s) : JOSÉ GARCIA LOPEZ
Voir aussi :
L'audio, porte-voix de la mobilité interne